Un café parmi tant d'autres, niché au coin d'une rue de Pré-au-Lard, accueuillait les chalans et quelques élèves de Poudlard venus se reposer d'une journée de cours éprouvante autour d'un verre entre amis. Sa devanture n'attirait pourtant pas le regard, mais il était reconnu par tous que cette adresse valait le détour. La peinture s'écaillait sur la chambranle de la porte, qui elle même ne fermait que relativement bien. Sur les vitres impeccablement propres et ourlées de rideaux aux teintes claires, le nom de l'établissement avait disparu ne laissant que quelques paillettes dorées à l'endroit il devait s'étaler il y a quelques dizaines d'années. Mais l'intérieur était clair et accueuillant, très cosy, avec ce petit quelque chose des cafés parisiens qui étonnait au fin fond de l'Ecosse. Les coins étaient occupés par des sofas confortables, eux même occupés par des dizaines de coussins moelleux et colorés. C'était un endroit que Laoise aimait.
Elle adorait s'y installer seule, prendre quelques cafés, parfois accompagnés d'une cigarette. La jeune fille pouvait rester des heures à regarder les gens passer, les enfants rire, les couples s'embrasser... Elle pouvait passer des heures seule avec ses idées, à imaginer les pensées de cette femme, ou de ce jeune garçon. Souvent, elle gribouillait et parfois ça rendait plutôt bien. Laoise privilégiait les moments comme ceux-là. Non pas qu'elle soit asociable, oh non!, mais c'était un fait : elle aimait la solitude. Car par-dessus tout, elle ne supportait pas qu'on la perturbe ou la contredise, et que se réserver des instants en solitaire était encore le meilleur des moyens pour éviter l'overdose. Elle avait besoin de liberté.
Et justement... La journée avait été harassante. Quand Laoise se réveillait le matin d'un jour de cours, il fallait que le reste de la journée se passe exactement comme elle l'avait pensé, prévu, imaginé. Pas autrement. Si quelque chose clochait, ou ne se faisait pas. Si elle se rappellait soudainement d'un devoir non fait, ou que quelqu'un la bousculait dans un couloir sans faire quelques excuses... On pouvait être sûr que ce serait une mauvaise journée. Laoise était une grande anxieuse, et quelque chose d'aussi simple qu'enuméré plus tôt pouvait lui faire perdre tous ses répères. Ce qui avait bien sûr le don de l'énerver et de provoquer son orgeuil, certes parfois un peu démesuré. En clair, elle était invivable du matin jusqu'au soir.
Aujourd'hui à son palmarès elle avait : contredit tous ses professeurs, pinaillé sur tous les sujets, envoyé se faire voir la moitié de Poudlard, et vexé la moitié restante. Joli résultat. Et ça aurait pu ne jamais arriver. Mais il fallait qu'elle s'en soit mêlée. Sa mère. Comme dans le monde moldu, il vous arrive parfois de recevoir un coup de fil désagréable dès le matin, sans pouvoir raccrocher à la personne au bout du fil, la "chère et tendre" mère de Laoise choisissait toujours son moment pour convoquer sa fille devant la cheminée de sa chambre, et sans que celle-ci ne puisse s'éclipser. Laoise détestait sa famille. Ils étaient issus d'une branche assez secondaire de Sang Pur, et se prenaient pour beaucoup plus qu'ils n'étaient. La jeune fille avait toujours trouvé si ridicule cet acharnement à croire que les Sang Pur étaient bien meilleurs que les autres sorciers, et prenaient son couple de vieux parents réelement en pitié, eux qui n'avaient même pas le sang dont ils se vantaient sans cesse.
Passons le contenu de la discussion qui ne semblait avoir d'intérêt que d'énerver Laoise. Il faut dire que quand ses parents se piquaient de lui voler un peu de liberté au nom d'une espèce de sacro-sainte tradition, un rien pouvait la mettre en pétard. Quoi de plus compréhensible à l'âge de quinze ans? Après tout, on pouvait bien essayer de contredire tous les clichés de l'adolescent en pleine crise, il était clair qu'à cet âge on n'a toujours un peu de mal avec l'autorité parentale. Et puis... Laoise, la gentille-jeune-fille-aux-adorables-sourires, n'avait pas l'air comme ça, mais était loin de se laisser faire. D'aileurs, vous connaitriez sa famille, vous ne vous poseriez même pas la question!
Quelques péripéties plus tard, incluant un chaudron, une potion mal dosée, et un sol innondé d'une substance verdâtre provenant du dit chaudron. Quelques heures d'ennui plus tard, à trimer sur les sortilèges de métamorphoses et les caractéritiques des plantes magiques. Après tout cela, Laoise n'avait qu'une envie. S'évader. Le plus loin possible. Un vendredi soir, l'élève pouvait sans problème se rendre à Pré-au-Lard, et c'est donc cette solution qu'elle retint. Elle irait dans ce petit café si tranquille, elle pourrait écrire et dessiner et se décharger un peu de cette inssupportable nervosité.
Ayant troqué son uniforme pour une tenue un peu plus habillée, elle avait revêtu pour la soirée une robe pull au col rond, et des collants chauds et opaques. Comme à son habitude elle avait chaussé des talons vertigineux qui la grandissaient plus que nécessaire, et le tout arborait des couleurs sombres. La seule touche de couleur était sa grosse écharpe en laine violette qui faisait plusieurs tours autour de son cou, la protégeant efficacement du froid extérieur. Enfin sur ses oreilles, elle avait enfonçé un petit bonnet de laine noire, et sur ses épaules, jeté une capeline de la même couleur. La plupart de ses artefacts prirent place à côté d'elle quand elle arriva, posés en tas sur le canapé du fond où elle avait élu sa place.
Les cafés se succédèrent, les tasses s'empilant les unes sur les autres. Des feuilles s'étalaient sur la table dans un fouillis apparemment assez ordonnée pour que l'élève s'y retrouve. Il y a là des parchemins de cours, des idées jetées sur du papier brouillon, quelques gribouillis et des papiers administratives pour ses parents, recouverts d'une panoplie de plumes et de crayons très diverse. La jeune fille suçotait sa plume, perdue dans ses pensées, absorbée par une fissure du mur. Elle posa enfin la pointe sur le papier. 'Nom : O'Brien-Devlin Prénom(s) : Laoise Meagan Aina Né(e) le : 14 Juil...' et puis non. Elle ferait ça plus tard, quand elle aurait le courage. Ce n'était même pas urgent.
Encore un café. Quelques dessins. La salle était bien plus remplie que d'habitude, ce qui fit froncer un sourcil à la rouquine, ou alors était-ce qu'il était déjà 21h et qu'elle n'avait absolument pas vu le temps passer?
Soupir. «Je suis fatiguée.» et d'un trait, elle vida son café.
[Bon... Voilà, il y a quelque chose au moins ._.
C'est très libre! ^^]
